La dette des pays en développement doit être annulée pour lutter contre la crise du coronavirus
- Le financement d'urgence ne doit pas alourdir le fardeau de la dette
- Un processus de réduction de la dette à un niveau soutenable à l'avenir est également nécessaire
À l'occasion de la Journée mondiale de la santé et dans un contexte de crise mondiale sans précédent, l’Observatoire Tunisien de l’Economie se joint à plus de 100 organisations internationales qui demandent l'annulation du service de la dette des pays en développement pour lutter contre la crise sanitaire et économique du Covid-19.
L'annulation de tous les paiements de la dette des pays à faible revenu envers d'autres gouvernements, des institutions multilatérales et des prêteurs privés permettrait de libérer jusqu'à 25,5 milliards de dollars US pour lutter contre le coronavirus rien qu'en 2020. En étendant l'annulation aux paiements dus en 2021, 24,9 milliards de dollars supplémentaires seraient disponibles pour aider à sauver des vies aujourd'hui et à l'avenir. Pour la Tunisie, cela permettrait de libérer 6,6 milliards de dinars tunisiens (TND), soit 2,8 fois le budget annuel du Ministère de la Santé pour 2020 (2,5 milliards de TND) ou encore 13,8 fois le budget annuel des établissements de santé pour 2020 (478 millions de TND). Cette somme permettrait également de faire face aux conséquences économiques du Covid-19 qui, selon un ancien Ministre des finances, pourraient s’élever jusqu’à 6,6 milliards de TND, soit l’équivalent du service de la dette extérieure pour l’année 2020.
Le FMI et la Banque mondiale ont demandé la suspension des paiements de la dette bilatérale des pays les plus pauvres envers d'autres gouvernements, mais comme les effets de la pandémie risquent de durer des années, le fait de retarder plutôt que d'annuler les paiements ne résoudra pas le problème et ne fera qu’alourdir le fardeau de ces pays au moment de la reprise des remboursements
L'annulation doit également s'appliquer à tous les créanciers, y compris les prêteurs bilatéraux, multilatéraux et privés, afin que l'argent libéré serve à soutenir la lutte contre la pandémie et non à rembourser d'autres dettes.
Pour l’Observatoire Tunisien de l’Economie : "La Tunisie est confrontée à une crise sanitaire, sociale et économique dévastatrice en raison de la pandémie de Covid-19. L'annulation permanente des prochains paiements de la dette serait le moyen le plus rapide de libérer les ressources publiques existantes pour faire face à cette crise sans précédent et sauver des vies. La suspension du paiement de la dette des pays les plus pauvres demandée par le FMI et la Banque mondiale ne permettra pas d'atteindre cet objectif si elle ne s’applique pas aussi au pays en développement et si elle ne s'applique pas également à tous les prêteurs et ne fait que reporter les paiements. L'annulation complète de tous les paiements de la dette extérieure est essentielle, ainsi qu'un financement d'urgence qui n'alourdisse pas le fardeau de la dette. Cette mesure doit être suivie d'une approche plus globale et à long terme de la résolution de la crise de la dette".
Outre l'annulation du service de la dette, jusqu'à 73,1 milliards de dollars supplémentaires de financement d'urgence seront nécessaires pour aider les économies à faible revenu à faire face à la crise en 2020. Cette aide doit être fournie sous forme de subventions, plutôt que de prêts, afin d'éviter que les pays bénéficiaires ne s'endettent encore plus. Pour faire face aux pressions de la dette à long terme des pays en développement, il faut également que les décideurs acceptent enfin de réformer le système international de restructuration de la dette souveraine, une fois la crise aiguë de Covid-19 passée.
Une lettre conjointe - signée par l’Observatoire Tunisien de l’Economie - demande :
- L'annulation permanente de tous les paiements de la dette extérieure dus en 2020 par les pays en développement, sans accumulation d'intérêts et de charges et sans pénalités.
- La mise à disposition d'un nouveau financement supplémentaire d'urgence sans créer de dette supplémentaire.
- L'annulation de la dette et la mise à disposition de nouveaux financements sans exiger de réformes politiques favorables au marché et axées sur l'austérité dans les pays en développement.
- Des mesures doivent être mises en place pour protéger les pays en développement contre les poursuites judiciaires lorsqu'ils cesseront de rembourser leur dette en 2020.
- Un processus sous les auspices des Nations unies doit être convenu à plus long terme, pour soutenir une restructuration systématique, appropriée et équitable de la dette souveraine.
Contacts :
Chef de projet : imen.louati@economie-tunisie.org
Responsable Communication : ismail.elhamad@economie-tunisie.com
NOTE AUX RÉDACTEURS EN CHEF :
- La liste exhaustive des signataires de la déclaration est disponible sur le site de l’appel.
- Les ministres africains des finances ont appelé à une suspension de tous les paiements d'intérêts en 2020, ainsi que de tous les paiements du principal et des intérêts par les États fragiles.
- Le Secrétaire général des Nations unies, la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement, les premiers ministres du Pakistan et de l'Éthiopie, le Congrès équatorien et le cardinal Luis Antonio Tagle du Vatican ont également lancé des appels urgents en faveur d'un allégement de la dette.
La déclaration appelle :
- Les institutions multilatérales, y compris le FMI et la Banque mondiale, à procéder à une annulation immédiate de tous les montants du principal, des intérêts et des frais pour le reste de l'année 2020 pour tous les pays qui en ont besoin, et de toute urgence pour tous les pays qui bénéficient du fond de réduction de la pauvreté et pour la croissance du FMI, (Poverty Reduction and Growth Trust PRGT) et de l' appui de l’Association International de Developpement (International Development Association IDA) de la Banque mondiale.
- Le FMI et la Banque mondiale devraient inciter tous les pays à cesser de payer leurs dettes multilatérales et/ou bilatérales et d'annuler également leurs paiements aux prêteurs extérieurs privés, et d’exiger des autres prêteurs qu'ils rééchelonnent la dette lorsque sa viabilité est incertaine, ou qu'ils la restructurent lorsqu'elle n'est pas viable, afin de s'assurer que l'argent est utilisé pour soutenir les priorités des politiques publiques en réponse à la crise COVID-19, plutôt que pour rembourser d'autres prêteurs. Tout nouveau financement du FMI et de la Banque mondiale devrait prendre la forme de s subventions et non de prêts.
- Les gouvernements prêteurs, qu'ils soient membres du Club de Paris ou d'autres pays tels que la Chine, l'Arabie saoudite et le Koweït, devraient annuler l'ensemble du paiement du principal, des intérêts et des frais pour le reste de l'année 2020 pour tous les pays qui en ont besoin, et de toute urgence pour tous les pays membres du PRGT et de l'IDA. Idéalement, l'annulation de la dette devrait être coordonnée entre les prêteurs, mais ne devrait pas attendre qu'ils soient tous d'accord.
- Le G20 doit soutenir les initiatives prises par tout pays pour cesser de rembourser sa dette à des prêteurs extérieurs privés.
- Les juridictions principales, en particulier le Royaume-Uni et New York, devraient adopter une législation visant à empêcher tout prêteur de poursuivre un gouvernement pour avoir cessé de payer sa dette en 2020.
- Les annulations de paiements de la dette et les financements supplémentaires devraient être exempts de toute conditionnalité de politique économique favorisant la privatisation, la déréglementation et la libéralisation du commerce. La crise a été provoquée par des chocs exogènes : des développements sur lesquels les pays du Sud n'avaient aucun contrôle.
- L'annulation du paiement de la dette et les financements supplémentaires devraient être conçus spécifiquement pour soutenir les dépenses publiques visant à protéger les droits et les besoins des populations, en particulier pour maintenir et augmenter les dépenses de protection sociale et de santé en réponse aux COVID-19 et
La déclaration appelle également à des mesures à plus long terme :
- La création, par l'intermédiaire des Nations Unies, d'un processus systématique, global et exécutoire de restructuration de la dette souveraine.
- L'introduction par le FMI de directives claires sur les cas où une dette est insoutenable, et la poursuite de sa politique consistant à ne prêter aux pays ayant une dette insoutenable qu'en cas de défaillance ou de restructuration de la dette.