Les négociations de l'accord du FMI aux yeux de la société civile Tunisienne-Version PDF
A l’occasion du lancement de son rapport de monitoring des négociations du prêt avec le FMI le 14 Decembre 2022, l’Observatoire Tunisien de l’Economie a accueilli des acteurs de la société civile pour donner des éclairages ainsi que leur lecture de la phase de négociation pour le nouveau programme avec l’institution financière, et de l’attitude du gouvernement dans ce contexte avec les acteurs de la société.
Ont été présents Yahya Ayadi, chargé d’influence et de plaidoyer au sein de AlBawsala, Issa Ziadia, journaliste au sein du media Inkyfada and Karim Trabelsi, représentant de l’Union Générale Tunisienne du Travail.
L’évènement a été l’opportunité de revenir sur les analyser les conditions de l’espace politique national dans ce processus de négociation et ainsi relever les priorités des organisations de la société civile et des médias à donner pour d’une part garantir l’information et la redevabilité, et d’autre part promouvoir les alternatives à la dette et aux réformes actuellement régressives pour les droits.
Une absence de l’information et une marginalisation des médias et de la société civile
Lors de son intervention, Yahya Ayadi a rappelé la campagne #Yezzi_Ma_Rhantouna lancée en Decembre 2021, avec d’autres associations qui visait a demander plus de transparence à propos des négociations et plus d’inclusion de la part du gouvernement de la société civile dans la réflexion autour des réformes. L’intervenant a rappelé que le gouvernement de Hichem Mechichi a envoyé la lettre d’intention au FMI sans consulter le parlement, que le gouvernement actuel ne donne pas assez d’information et que les reformes qui transparaissent sont en alignement avec les anciennes politiques d’austérité menées par les anciens gouvernements.
De son coté, Yahya Ziadia a expliqué que le plus grand challenge dans la couverture médiatique de ce sujet, est l’accès à l’information. Il affirme que le gouvernement a entretenu une stratégie de communication unidirectionnelle sur le sujet. Si les officiers de l’Etat avaient plus de flexibilité pour s’exprimer sur cette question auparavant, aujourd’hui ils sont beaucoup plus difficiles à approcher, et refusent de donner des détails à propos des réformes. Le manque de déclarations et de clarification a restreint les sources d’information des journalistes au site du FMI.
Karim Trabelsi, représentant de l’UGTT, a précisé que l’actuel programme de prêt vient dans un contexte ou le service de la dette en Tunisie est devenu handicapant, la Tunisie étant à la tête des pays quand on regarde l’indicateur du service de la dette, par rapport au nombre d’habitants.
Il a évoqué 2 traits importants qui caractérisent ces négociations: D’abord, le manque de confiance entre le FMI et le gouvernement Tunisien, ensuite que le rapport de force est biaisé en faveur du FMI, dû au fait que contrairement aux précédente négociations, ou les gouvernement allaient vers le FMI avec un document de réformes sur lequel il y a un minimum d’accord national lui permettant de d’être dans une bonne posture de négociation, aujourd’hui, le gouvernement négocie dans une opacité qui affaiblit sa position de négociation. Il a par ailleurs commenté que le processus participatif dont parle le gouvernement s’est résumé en deux réunions de présentation, et non pas une réelle approche de coopération afin de discuter du programme de réforme.
Quel rôle pour la société civile dans la prochaine étape ?
Les intervenants voient que la société civile doit et est en mesure de jouer un rôle crucial pour la période qui vient, à savoir, les 4 ans du programme, une fois l’accord final est donné par le conseil d’administration du FMI, afin de proposer des alternatives qui renforceront la résilience de la Tunisie et sa position de négociation, et réduiront la dépendance de la Tunisie à la dette et aux exigences des bailleurs.
Pour le représentant de l’UGTT, si le FMI a le rôle de définir les grands axes de la réforme, la Banque Mondiale intervient sur les aspects exécutifs pour donner les détails de l’implémentation. Le monitoring doit donc s’élargir pour inclure l’activité de cette institution financière.
Par ailleurs l’intervenant a énuméré un nombre de manière à travers les quelles la société civile peut renforcer son action dans la période à venir. Par exemple, en vulgarisant l’information autours de la dette et de la faire sortir du cercle des experts, en renforçant les partenariats entre les OSCs travaillant sur ces sujets, ou en alliant des personnalités publiques influentes à sa cause.
De son coté, Yahya Aya, représentant de AlBawsala a souligné que la société civile est une force de proposition quant aux solutions alternatives que peut adopter le gouvernement afin d’améliorer la mobilisation des ressources fiscales disponibles qui peuvent alléger le besoin ou dépendance à la dette.
Issa Ziadia a ajouté que les médias auront un rôle important à jouer en essayant de demander aux décideurs et informer le public des détails d’application des réformes qui restent flous. Mais aussi, en s’intéressant pour aux impacts sociaux des réformes sur la vie des citoyens.