Au fait, plusieurs régions dans le monde ont tenté de s’échapper des conditionnalités du FMI, l’Asie de l’Est est la région qui a le mieux réussi dans cette perspective. Parmi les deux grandes alternatives, les dispositifs régionaux financiers (RFA) et les accords bilatéraux de swaps (BSA), sachant que les RFA sont soit d’une taille insuffisante, soit d’une taille suffisante, mais dont l’accès est majoritairement couplé à l’obtention d’un accord avec le FMI.
Alternatives multiples
Pour la région arabe, le Fonds Monétaire Arabe (FMA) est à la fois de taille insuffisante, et à la fois couplé au FMI, non pas par design, mais par choix dans le cadre du Cartel de Deauville.
L’OTE a établi dans sa note que les BSA sont l’outil le plus prometteur de diversification du FMI, mais ces lignes ne sont offertes par la Fed et la BCE que sur une base géopolitique hiérarchique, difficile d’accès pour des pays du Tiers monde. Même le Secrétaire Général des Nations Unies appelait de ses vœux, durant le COVID-19, à « une coordination plus poussée entre les plus grandes banques centrales qui pourrait contribuer à assouplir les lignes de swap et à fournir des liquidités au système financier, en particulier dans les économies émergentes et les pays en voie de développement ».
Pour la suite, l’observatoire a repris dans sa note l’approche adoptée par les pays asiatiques, notamment l’aspect défensif des différents niveaux du Global Financial Safety Net (GFSN).
Choix optimal pour la Tunisie
Cependant, au lieu de considérer tous les niveaux du GFSN comme autant de lignes de défense pour faire face à une crise de balance de paiements, comme l’ont fait certains experts, il est intéressant de considérer les trois premiers niveaux, national, bilatéral et régional, comme les trois lignes de défense, et le quatrième niveau, les conditionnalités du FMI, comme une attaque hybride (à la fois sur la souveraineté du pays, mais également par la brutalité de ces remèdes, sur la société en général).
De ce fait, l’objectif ultime est de construire des lignes de défense qui permettent à la fois de remédier à un choc externe et à une crise de balance des paiements, tout en préservant la souveraineté du pays. En d’autres termes, les lignes de défenses doivent être constituées d’accès à des liquidités inconditionnelles.
Actuellement, la Tunisie n’a que ses réserves officielles comme seule et unique ligne de défense. Cette ligne est assez fragile et prête le flanc à des chocs externes tels que l’augmentation brutale des prix des matières premières à la suite de la guerre en Ukraine. Contrairement à ce qui était attendu, le choc externe du COVID-19 ayant eu pour conséquence une réduction drastique du commerce extérieur global, la période 2020-2021 a vu les réserves officielles de la Tunisie augmenter jusqu’à 162 jours d’importations en 2020, du fait de la baisse des importations principalement.
Enfin, la fragilité de cette ligne de défense s’est également vue lorsque le FMI a attaqué en 2016 en forçant une dévaluation du dinar tunisien qui a eu pour conséquence une chute des réserves en devises de 128 jours d’importations en 2015 (un an avant la dévaluation) à 84 jours d’imports au plus bas en 2018, en dessous du seuil critique de 90 jours, alors que l’argument du FMI était que la dévaluation préserverait les réserves officielles, conclut l’observatoire.